L’achat d’une maison n’est pas votre meilleur investissement
Avec une telle affirmation, je vais me faire lancer des roches par plusieurs qui croient que leur propriété est un actif payant à long terme. Mais non : même après une année telle que 2020, où les prix ont bondi d’environ 20 %, l’achat d’une maison ne sera jamais votre meilleur investissement.
Mettons les choses en perspective. Pourquoi votre maison vaut-elle si cher, d’après vous? En raison de l’offre et de la demande. Cependant, on constate avec les années une pression sur la faiblesse de notre dollar et une augmentation de l’inflation provoquée par des taux d’intérêt à tout casser, qui sont près de 2 % pour un terme de 5 ans. Du jamais vu!
Donc oui, la valeur de votre maison augmente. Une des raisons, c’est que le prix à payer pour l’obtenir (le coût de l’intérêt) est peu élevé, car notre dollar ne vaut pas grand-chose. Quand je pense à mon père qui a acheté sa maison à Brossard en 1977 pour 52 000 $ à un taux d’intérêt très élevé, soit plus de 10 % à ses débuts, et qu’aujourd’hui, 43 ans plus tard, la même maison se vend 600 000 $, on se dit que c’est un actif ultra payant, car on a obtenu un profit de près de 550 000 $. Wow! Mais analysons un peu la situation.
Premier coût derrière l’achat d’une maison : les intérêts
Votre prêt hypothécaire est constitué d’un paiement en remboursement de capital et d’une portion en intérêt pendant une période donnée, disons 25 ans. En calculant l’intérêt payé sur 25 ans à un taux d’emprunt moyen d’environ 3 %, on aura payé en intérêts plus de 35 % de la valeur d’achat de notre maison.
Un exemple concret : vous achetez une maison de 500 000 $ aujourd’hui que vous aurez fini de payer dans 25 ans. Avec l’intérêt, elle vous aura coûté 675 000 $. Mais votre maison aura doublé, voire triplé de valeur d’ici là, donc c’est bon, non?
D’un certain point de vue, oui, car entre être locataire ou propriétaire, je choisis sans hésitation les avantages d’être propriétaire. Je dis cependant que ce n’est pas un actif payant, contrairement à la croyance populaire.
Deuxième coût : les impôts sur le revenu
Continuons l’analyse. Pour payer cette jolie somme de 675 000 $, vous l’aurez deviné, vous devrez travailler fort en échangeant votre temps contre de l’argent. Si vous êtes dans la moyenne des gens, vous payerez un impôt moyen de près de 35 % au fil des ans. Donc pour rembourser vos 675 000 $, vous devrez gagner plus de 1 000 000 $. Ça commence à être cher payé pour une maison.
On nous vante le fait que la résidence principale n’est pas imposable au Québec. C’est bien vrai, mais à mon avis, vous aurez payé bien assez d’argent au gouvernement pour qu’il vous donne ce cadeau si avantageux selon plusieurs.
Troisième coût : les imprévus
Revenons à notre calcul. Nous sommes rendus à une somme à gagner de 1 000 000 $ pour payer votre maison. Maintenant, sur une période de 25 ans, se pourrait-il que votre couple ne fonctionne plus et que vous vous sépariez? Dans ce cas, plusieurs frais s’ajoutent, comme des pénalités de 5000 $, 10 000 $ ou 15 000 $, de nouveaux frais de notaire et de déménagement, une taxe de Bienvenue sur votre nouvelle propriété, le cas échéant, et peut-être même un marché non profitable à la vente, qui pourrait entraîner une perte.
Quatrième coût : les travaux et l’entretien
Soyons plus optimistes. Disons que vous avez un couple stable, comme vos parents, et que vous conservez la maison du début à la fin, soit pendant 25 ans. Un jour, vous aurez des travaux majeurs à faire : la toiture, les fenêtres, la cuisine, la salle de bain, la décoration, les planchers, l’ajout d’une piscine creusée, etc. Ces coûts peuvent être payés comptant, mais je sais pertinemment que bon nombre d’entre vous profiteront de l’augmentation de la valeur marchande de votre maison pour refinancer l’hypothèque et payer toutes ces rénovations, non?
Je dirais même qu’il est très fréquent de voir 2 à 3 refinancements de 25 000 $ ou 50 000 $ au fil du temps, qui nous coûteront en fin de compte une somme en capital, en intérêts et en impôts facilement entre 150 000 $ et 250 000 $ si on calcule le tout dans son ensemble.
Enfin, supposons que votre maison aura triplé de valeur, passant de 500 000 $ à 1 500 000 $. Votre coût moyen aura été de 1 250 000 $ pour un profit d’environ 20 % sur 25 ans.
Un actif, oui; mais payant, non
Comprenez-moi bien : votre maison est bel et bien un actif ainsi qu’un moyen d’épargne forcée extraordinaire. Ce que je dis, c’est qu’elle n’est pas un actif payant quand on la compare à d’autres actifs comme investir à la bourse, acheter de l’immobilier dans le but de faire payer ses locataires ou de réellement faire de l’argent ou détenir sa propre entreprise.
La morale de cette histoire, c’est que tout n’est pas nécessairement blanc ou noir. Il y a beaucoup de zones grises et parfois, une simple rencontre avec votre conseiller en gestion de patrimoine peut faire toute la différence dans vos prises de décisions financières présentes et futures.
Sachez que je suis propriétaire de ma maison et que je l’aime beaucoup. Est-ce mon meilleur investissement? Absolument pas, mais au moins, je me dis que c’est un beau moyen d’accumuler de l’argent par une épargne forcée mensuelle. Existe-t-il d’autres solutions plus profitables pour investir? Bien sûr, et je vous invite à venir en jaser avec moi.
Benoit Bérard
Le conseiller financier des gens aisés